Sarah a 23 ans, et elle a déjà parcouru plus de 13 000 kilomètres autour du monde sans argent. Ou presque, puisqu’aux dernières nouvelles elle n’a dépensé que 320 euros.
Il y a un peu plus d’un an elle a suivi ma formation en ligne Bloguer Pour Voyager et depuis elle partage son aventure et sa façon d’explorer le monde sur les réseaux sociaux et son blog.
Son histoire me rappelle la mienne, celle que je décris ici et c’est donc tout naturellement que je lui ai proposé d’écrire une Story pour partager avec vous son aventure et inspirer ceux qui souhaitent se lancer dans ce mode de voyage alternatif.
Après votre lecture, n’hésitez pas à jeter un oeil à ma page tour du monde pour découvrir comment préparer un voyage étape par étape à moindre frais.
C’était un jour banal. Un jour de plus. Un jour de trop. Nous étions en 2014, j’avais vingt ans, et j’ai décidé de tout plaquer pour changer de vie. J’ai quitté mon travail, mon appartement, mes repères… Je suis devenue nomade.
Je n’étais pas bien sûre de savoir pourquoi, je voulais juste me donner les moyens de mener la vie dont je rêvais, de découvrir les merveilles de notre planète, des steppes mongoles aux fjords norvégiens, de la jungle philippine aux grands espaces traversés par le Transsibérien. Mais j’étais fauchée. Changer de vie sur un coup de tête, ça fait une belle histoire, mais ça ne paye pas un tour du monde.
Je n’y avais pas vraiment pensé, à ce problème là. J’ai donc réuni ma cellule de crise habituelle – mon ordinateur et mon chat Mimou – et nous avons convenu de faire de l’auto-stop. Nous allions trouver où dormir via Couchsurfing, récupérer la nourriture prête à être jetée sur les marchés et même apprendre à pêcher. Sauf Mimou, parce qu’il est en peluche.
Mes débuts timides n’ont pas duré bien longtemps. Les nuits chez l’habitant, les longues heures d’auto-stop, et même les expériences les plus improbables – celles que, bizarrement, on raconte toujours en riant alors qu’on en pleurait sur le moment – m’ont rapidement convertie à l’esprit du voyage alternatif.
Au fil des kilomètres, est née dans mon esprit une pensée, une envie, un projet fou. Faire le tour de monde sans argent.
« Stop un jour, stop toujours », comme disent les scouts.
Enfin, un truc du genre. Alors je me suis lancée.
Ça fait maintenant plusieurs années que je n’ai plus vu un bureau de change, mais j’ai vu tellement d’autres choses. La route m’a appris la débrouillardise, la solidarité, le partage. Elle m’a montré la beauté de l’être humain. Parce que j’ai choisi de la voir. Parce que j’ai choisi de placer la rencontre au cœur de mon voyage, l’aventure au cœur de ma vie.
Voilà comment, le 8 décembre 2016, j’ai enfilé mon minuscule sac à dos et je me suis plantée une nouvelle fois à l’entrée de l’autoroute. Mon nez rouge était de saison, mon pouce bleu aussi, mais il tenait heureusement une pancarte indiquant le sud. En Suisse, l’hiver, on rêve rarement d’aller vers le Pôle Nord. Je connaissais déjà cette excitation du départ, mais cette fois je n’avais aucune date de retour. Je n’avais même pas d’itinéraire précis.
Quand la première voiture s’est arrêtée pour me demander où j’allais, je lui ai répondu :
« ici, mais je fais juste une petite escale au Guatemala si vous le voulez bien ».
Le conducteur a ri, un peu crispé, mais il ne m’a emmenée que jusqu’en France. C’est déjà un bon début, la France.
Quand mon nez a enfin retrouvé sa couleur normale, j’ai repris mes habitudes de routarde : la recherche du spot parfait sur Hitchwiki (parce que je suis une femme moderne), l’éternelle galère pour sortir des villes, les sauts dans les conteneurs à recyclage pour récupérer des morceaux de cartons (parce que, même moderne, je ne suis pas encore passée à la tablette numérique).
J’ai aussi redécouvert tous les petits bonheurs qui vont avec : les blagues pas drôles que j’inscris sur mes pancartes, mes négociations musclées avec des marqueurs qui ne fonctionnent jamais, les épreuves d’athlétisme pour rejoindre les entrées d’autoroute… C’est bizarre, une auto-stoppeuse.
Ça développe des compétences surprenantes que personne n’imaginerait avant d’avoir fait du stop. Ça s’entraîne à améliorer son plus beau sourire sous la pluie, ça joue toute seule en attendant les voitures, ça effraie certains conducteurs à cause desdits jeux. Ça connaît une affection sans borne pour les stations-services, les clignotants qui s’actionnent soudainement et les inconnus qui demandent où on va. Dans un autre contexte, je trouverais ça beaucoup moins drôle.
Mais là, j’ai le cœur qui bât à tout rompre. Parce que c’est ça, avant tout, l’auto-stop. Des gens qui m’offrent une vision inoubliable de leur région, des étrangers qui se livrent avec une sincérité touchante. Parfois, je me dis que c’est le seul moyen de vraiment connaître un pays. Alors je continue.
La sécurité en voyage est la question qui revient le plus souvent, et je mentirais si je disais que je n’ai jamais eu peur. Surtout au début, en théorie plus qu’en pratique. Parce que l’être humain aime les scénarios catastrophe et que la télévision nous gave volontiers d’enlèvements, de meurtres et de viols.
Dieu sait si je les ai attendus à tous les coins de rue, ces enlèvements, ces meurtres et ces viols. Je ne nie pas les risques et je ne veux surtout pas les minimiser, mais le monde n’est pas aussi dangereux qu’on se l’imagine.
Je trouve que la plupart des gens sont bienveillants, ou peut-être qu’ils ont juste des journées trop remplies pour avoir le temps de me faire du mal.
Vous avez envie de faire du mal aux auto-stoppeurs, vous, après une longue journée de travail ? Je pense simplement qu’il faut avoir conscience du risque et rester attentif.
Pendant mon premier grand voyage en auto-stop (10’000 km à travers l’Europe), j’avais pour habitude de suivre le trajet en temps réel grâce à mon smartphone. Je vous ai dit que j’étais une femme moderne ?
Je téléchargeais au préalable une carte du pays et j’enregistrais les itinéraires à l’avance, ce qui me permettait d’être alertée si le conducteur faisait un détour inhabituel.
Aujourd’hui, je me contente d’être attentive aux panneaux. Avec le temps, j’ai appris à ressentir les gens, à faire confiance à mon instinct. Je ne m’endors jamais si je doute des intentions du conducteur et, quoi qu’il se passe, je garde mon sac entre mes jambes. Même s’il est lourd. Même si le trajet dure dix heures. Même si c’est ma mère qui conduit (véridique, et ça l’énerve).
J’ai rencontré d’autres voyageurs qui prennent en photo les plaques des voitures dans lesquelles ils montent et les envoient à un proche, au cas où. Pour ma part, je ne l’ai jamais fait parce qu’il m’aurait fallu tout un service administratif juste pour me suivre pendant 30’000 kilomètres, mais je vous le conseille si ça vous rassure.
Au final, j’ai fait très peu de mauvaises rencontres. Une main sur la cuisse et des avances à deux reprises, tout au plus. J’ai simplement décliné l’offre à chaque fois et invité poliment le conducteur à me laisser descendre, ce qu’il a toujours fait.
Avec le temps, on acquiert plus de sang-froid, de diplomatie et de facilité à communiquer ses malaises. Je ne pense pas que voyager soit plus dangereux pour une femme. En tout cas, pas plus dangereux que vivre en étant une femme. Les mêmes règles de sécurité s’appliquent en voyage et dans la vie quotidienne. Si je ressens une quelconque méprise ou une tension avec un homme qui me prend en stop ou m’accueille chez lui, je clarifie immédiatement la situation. L’attitude la plus dommageable est toujours le repli sur soi. Je pense que la communication, non-violente si possible, peut régler bien des malentendus.
Il est évident qu’en montant en voiture avec des inconnus ou en entrant volontairement chez eux, je m’expose plus que la moyenne. Mais si l’alternative est de rester sagement chez moi, j’aime mieux m’exposer. Autant tomber sur un psychopathe et mourir plutôt que de vieillir dans la peur constante de l’autre et de l’inconnu.
Je préfère le risque à la sclérose.
Pour l’instant, je dirais même que j’en redemande. Enfin, pas du risque, mais de l’autre et de l’inconnu.
Je fais le tour de la Terre et, quand il n’y a plus de terre, je fais le tour de l’eau. Parce que, je ne vous apprends rien, la Terre est toute pleine de grandes flaques d’eau très profondes. Trop profondes pour qu’on puisse les sauter. Croyez-moi, j’ai essayé. Mimou a détesté. Alors je suis passée au bateau-stop.
Je n’avais aucune connaissance en navigation, mais je savais reconnaître de l’eau quand j’en voyais. Il faut croire qu’on ne part jamais de trop loin. Je me suis donc rendue au port de Gibraltar dans l’espoir d’y trouver une embarcation.
Je n’avais rien planifié, contacté aucun capitaine, fouillé aucune bourse aux équipiers – je ne savais même pas ce qu’était une bourse aux équipiers, pour tout vous dire.
Je sais que beaucoup de voyageurs trouvent ça plus simple, mais rechercher un bateau sur internet me paraît presque dommage. Je voyage pour l’aventure et le contact humain, j’aime prendre le risque de débarquer dans un port à l’autre bout de l’Europe sans connaître ma destination, ni avoir la garantie de partir un jour. Ça demande beaucoup d’audace et de chance, mais c’est la partie la plus excitante de mon projet.
Bon, d’accord, le hasard a voulu que ce soit le 1er janvier 2017, mais avouez que l’autre version sonnait mieux. J’étais « cul nu, les mains dans les poches », comme on dit chez moi, et je n’avais aucune idée de comment procéder. J’ai abordé le premier capitaine que j’ai croisé sur un ponton, je lui ai demandé s’il n’avait pas eu vent (jeu de mots intentionnel) d’un bateau qui partirait prochainement pour les îles Canaries. Si vous êtes un bateau-stoppeur, c’est le moment d’arrêter de me lire. Vous allez vous faire du mal.
Il m’a répondu…
Non
Je suis sérieuse. Arrêtez tout de suite. Il m’a répondu qu’il y allait, et que lui et sa femme avaient justement besoin d’aide à bord. Cinq minutes montre en main, je n’aurais jamais imaginé que ça pourrait être plus rapide que l’auto-stop.
Sans prétention, je dirais même que j’ai un don dans ce domaine. Autant vous dire qu’en trois ans de voyage, je ne suis jamais autant sortie de ma zone de confort. Trois semaines sur un bateau, jour et nuit, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige (rarement, je l’avoue), avec peu de repos et peu d’intimité. Les meilleures expériences sont toujours celles qui mènent au dépassement de soi.
Depuis, j’ai réitéré l’expérience plusieurs fois. J’apprends à naviguer et à garder le contenu de mon estomac en place. En terme d’aventure humaine, le bateau-stop est comme un concentré d’auto-stop, ou une huile essentielle d’auto-stop, si vous êtes plutôt médecines alternatives.
On partage le quotidien d’inconnus dans un espace confiné, ce qui demande une capacité d’adaptation, de tolérance et de prise sur soi presque totale. Je prévois malgré tout de m’attaquer à un nouvel océan dès 2018, je n’en ai donc pas fini d’être malmenée par les vagues et les tempêtes de vent salé.
Après 7 mois de voyage, j’aurais bien du mal à résumer mon expérience. Si je ne devais retenir qu’une seule chose, je dirais que :
[clickToTweet tweet= »Le premier pas est toujours le plus effrayant, mais c’est aussi le plus décisif. » quote= »Le premier pas est toujours le plus effrayant, mais c’est aussi le plus décisif. « ]Le stop, c’est comme les douches d’eau froide ou les sparadrap à arracher, on l’appréhende beaucoup mais on se sent mieux une fois que c’est fait. On se sent même bien. Beaucoup trop bien pour arrêter. Il y a des hauts et des bas, bien sûr, comme toujours dans la vie.
C’est éprouvant, c’est douloureux, mais c’est tout aussi jouissif. Dans les moment les plus difficile, je me dis que je n’ai jamais rencontré personne qui termine sa vie en disant :
« si c’était à refaire, je réaliserais moins mes rêves »
Alors j’enfile mon sac à dos, je relève le pouce et je repars.
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Tu peux suivre les aventures de Sarah sur son blog l’Aventurière fauchée, sur son compte Instagram et sa page facebook.