Le Kumano Kodō (Kumano est le nom de la région, et Kodō signifie ancienne route) correspond à une série d’anciennes routes de pèlerinage qui traversent le Kii Hantō, la plus grande péninsule du Japon.
Elles mènent toutes au sanctuaire shinto de Kumano Sanzan, qui regroupe quant à lui trois temples tous plus beaux les uns que les autres : Kumano Nachi Taisha, Kumano Hongu Taisha et Kumano Hayatama Taisha.
Ces sentiers de randonnée, classés au patrimoine mondial de l’Unesco au même titre que Saint-Jacques de Compostelle, mènent aussi aux sites de Koyasan, Yoshino and Ise.
Le chemin de randonnée Omine Okugake relie les montagnes de Yoshino et Omine jusqu’aux temples de Kumano. C’est la route du Shugendo, un sentier parcouru par les pratiquants depuis le pas mal d’a siècle.
Ce trek est difficile à réaliser en entier. Il est long, technique, et certaines de ses sections sont vraiment très reculées et nécessitent un équipement particulier. De mon côté j’ai eu la chance d’en parcourir une partie pendant 3 jours grâce à l’office de tourisme de Nara.
Ce trail est l’un des plus intéressants. Bordé par des statues bouddhistes et des petits temples, il dégage une atmosphère spirituelle et mystérieuse. Un vrai coup de cœur.
Le trail d’Omine Okugake possède une histoire ancienne et fascinante profondément liée au Shugendo.
Le Shugendo est un mouvement spirituel japonais lié au Bouddhisme. Il enseigne que pour atteindre l’illumination, on doit s’enfoncer profondément dans les vallées de la montagne au péril de sa vie.
En d’autres mots, la relation entre l’Homme et la Nature est primordiale dans ce courant.
Cette tradition remonterait à la fin de l’ère Asuka durant laquelle En no Ozunu, fondateur du Shugendo, vivait au pied du mont Katsuragi.
Un chemin de pèlerinage fut alors mis en place, celui que l’on connaît aujourd’hui sous le nom de Omine Okugakemichi. Au fil du temps, la région de Kumano gagna en popularité et les différentes pratiques spirituelles pratiquées dans le coin menèrent à la création d’une bonne centaine de sites sacrés.
Photo par Christian Grübl
Aujourd’hui, le trail historique d’Omine Okugake est devenu l’un des plus importants sites de pèlerinage au Japon.
Mais depuis 1970, la restriction ne couvre qu’une zone circulaire d’un rayon de 4 kilomètres centré autour du Mont Sanjogatak.
Donc pas de panique cela ne concerne que certaines parties annexes et non la totalité des sentiers.
Pour l’anecdote : en réaction à cette interdiction, un homme de la région monte fréquemment la montagne habillé en femme, comme pour se moquer des autorités.
La chaîne de montagnes d’Omine, dont le surnoms « Les Alpes de Yamato » évoquent toute la grandeur du lieu, est située au cœur de la péninsule de Kii.
Elle appartient au parc national de Yoshino-Kumano, un espace protégé pour ses nombreux trésors naturels. La chaîne se compose de hautes montagnes aux sommets aiguisés situés entre 1300 et 2000 mètres d’altitude en moyenne. Plusieurs montagnes sont emblématiques de la région, dont le Mont Hakkyo-ga-take perché à 1915 mètres et le Mont Misen perché à 1895 mètres.
C’est au cœur de ces montagnes que le trail d’Omine Okugake évolue sur plus de 120 kilomètres, reliant les deux grands sites sacrés que sont Yoshino et Kumano.
J’ai eu la chance de parcourir une partie du trail d’Omine Okugake lors de mon dernier voyage au Japon. Il m’a fallu 3 jours pour traverser la partie centrale qui va de Misen à Syukubo Onakabou.
Le premier « P » correspond au point de départ. Un parking qui permet de rejoindre un petit sentier jusqu’au Omine Okugake.
Le dernier « P » correspond au point d’arrivé. Entre les deux se sont tous les points par lesquels je suis passé.
Arrivée à Yoshino, j’ai été accueilli à la gare par le gérant du Taikoban, un ryokan vraiment sympa que je vous recommande si vous devez passer la nuit à Yoshino.
Après une bonne nuit de sommeil, j’ai rejoint le temple Kinpusen-ji pour une cérémonie de prière.
Le temple Kinpusen-ji est le temple Shugendo principal.
Il a été construit par En no Ozuno, le fondateur dont je parlais au début de cet article. On raconte qu’après 1000 jours d’épreuves, En no Ozuno a finalement atteint l’illumination ici et a ensuite abattu des cerisiers sur les monts Sanjogatake et Yoshino (où se trouve Kinpusen-ji aujourd’hui) pour construire les bâtiments principaux des temples dédiés à Zao Gongen.
Ce temple est aujourd’hui classé au patrimoine mondiale de l’UNSECO.
Après la cérémonie, j’ai rejoint le point d’entré du trek à environ une heure de voiture.
Le trek a peine commencé que je suis dépaysé. Le ciel est couvert et la brume m’entoure à cette altitude, mais tout à l’air irréel.
Il fait doux, et les arbres aux feuilles de couleurs flamboyantes donnent une atmosphère féerique à l’endroit. Les Miyazaki de mon enfance prennent tout leur sens ici…
À plusieurs reprises j’ai eu l’impression de me perdre. Mais en levant simplement la tête j’ai pu retrouver mon chemin grâce à ces bouts de tissus roses qui balisaient le sentier.
Comme vous vous en doutez, je ne me nourrissais pas des champignons sur la route, le propriétaire du Taikoban à Yoshino nous avait préparé des lunch box pour tenir jusqu’à notre arrivée.
Après 5 heures de marche, j’arrive enfin à Misen Cabin, une loge située à 1700m d’altitude.
3h30 du matin, le réveille est difficile. Je commence à ressentir les premières courbatures. Mais ça ne me décourage pas pour autant, je sais que le plus beau est à venir et je souhaite absolument profiter du lever de soleil depuis le point culminant de la région, le mont Myojyogatake.
Nous sommes au mois de novembre, je suis perché à 1700m d’altitude et il fait encore nuit, la seule chose que je craignais c’était donc les ours le froid.
Mais étonnamment il faisait bien meilleure que ce que je pensais (merci à ma doudoune ultra-légère qui fait magnifiquement le boulot).
A peine mis le pied dehors que mes yeux s’ouvrit en grand, je reste sans voix face au ciel étoilé. Je décide d’éteindre ma lampe torche pour les observer un moment…
Notre Planète est un vrai chef d’oeuvre.
Je ne sais pas pourquoi mais à ce moment précis je me suis rappelé de mon prof de physique au collège qui expliquait que regarder les étoiles revenait à regarder le passé ; la lumière qu’elles émettent prend du temps à nous parvenir.
Ce qu’on observe, c’est l’état dans lequel elles étaient il y a des milliers d’années…
Et puis je me suis rappelé que Léonardo Dicaprio disait la même chose pour draguer la Française du film La Plage.
Wow qu’est ce que c’est ???
Tout d’un coup, je ne vois pas une mais deux étoiles filantes passées sous mes yeux !
Je fais le voeu d’avoir un jour une Rolex et une Lamborghini puis allume la lampe torche de mon smartphone avant de me mettre en route.
Après 45 minutes de marche dans le noir, je passe près du mont Hakkyougatake. Le soleil ne pointant pas le bout de son nez, je décide de continuer jusqu’au prochain sommet, le mont Myojyogatake.
Les premiers rayons de soleil arrivent, je décide donc de profiter de mon petit déjeuner devant ce spectacle.
Peu à peu, le paysage se dessine, des couches et des couches de montagnes apparaissent en diagonales sous mes yeux, chacune d’une nuance différente. Certaines sont lisses, d’autres plus rugueuses avec des cimes d’arbres.
Le spectacle est magnifique.
A 6h30 je décide de décoller, une longue journée de marche m’attendait.
Escalader rocher après rocher. Mettre un pied devant l’autre sans s’arrêter. Être fatigué, avoir chaud et transpirer, se reposer s’arrêter et commencer à geler sur place. Descendre, descendre et encore descendre, remonter de nouveau. S’agripper à des racines, tomber, avoir mal aux pieds, se relever, regretter d’avoir accepté ce blog trip, continuer car il n’y a pas le choix…
L’expérience reste difficile aussi bien physiquement que mentalement. Moi qui croyais que mes 50 burpees chaque semaine allaient m’aider, j’étais loin du compte.
Mais justement, n’est-ce pas le but du Shugendo ? Se purifier le corps et l’esprit en dépassant ses limites dans la montagne.
Aux alentours de 15h30, j’arrive enfin à Syukubo Onakabou.
Vous vous souvenez de En no Ozuno, le fondateur dont je parlais au début de cet article ?
En 676 il a établi le mont Omine comme lieu d’entraînement pour les pratiques ascétiques. Il envoya alors un de ses élèves et la femme de cet élève (nommés Gikaky et Giken) dans cette région pour entretenir le sentier d’entraînement Shugendo.
Gikaky et Giken ont eu 5 enfants et les différentes lignées ont gardé et entretenu ce lieu d’entraînement pendant plus de 1300 ans.
Malheureusement, sous les changements sociaux de la fin de l’ère Meiji (1910), les différentes lignées commencèrent à disparaitre progressivement de la région.
À présent, seule la ligne Gokijo (Onakabo) est chargée de l’entretien du sanctuaire de Shugendo.
Le propriétaire de ce lieu, M. Yshiaki Gokijyo, est la 61e génération de cette famille.
Je ne l’ai malheureusement pas rencontré, mais il a été informé de ma visite et a laissé l’une des loges ouverte pour que j’y passe la nuit.
J’aime assez cette notion d’éveil par la nature.
Quoi qu’on aime faire dans la vie, il y a toujours quelque chose de plus beau que l’artifice. Et cette chose, c’est la nature. C’est la beauté d’une montagne, le mystère d’une nuit étoilée, les couleurs d’un lever de soleil… Tout ça, on le retrouve dans le principe spirituel du Shugendo.
Bien entendu, ce n’est absolument pas à ça que je pensais ce matin-là. Mon esprit était trop recentré sur les courbatures que je ressentais à des endroits insoupçonnés… Pourtant, le trek était loin d’être fini.
Ce matin-là, M. Tanaka, un maître shugendo du temple Kinpusen-ji et l’un de ses disciples devait me rejoindre à Syukubo Onakabou afin que je puisse les accompagner dans leur entrainement sous la cascade.
Suite de la Story ici : Une journée d’entrainement avec un maître Yamabushi.
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Option 1: si vous n’avez pas le le niveau ou le temps pour réaliser ce trek dans sa totalité, il est possible de faire une randonnée d’un jour à travers les montagnes de Yoshino jusqu’à l’Onsen Dorogawa (je vous ai mis le point sur la carte). Le point de départ du trek est la gare de Yoshino (en rouge).
Option 2: si vous avez au moins trois jours devant vous et surtout si vous avez une bonne condition physique, je vous recommande la partie centrale qui part de Misen et qui va jusqu’au temple Syukubo Onakabou (c’est l’option dont je parle dans cette story). J’étais accompagné d’une amie et elle a pu accéder à toutes les parties de ce sentier.
Option 3: Si vous avez au moins 5 jours devant vous, que vous avez l’équipement nécessaire et que vous avez l’habitude de faire des treks de plusieurs jours seul(e), je vous recommande la totalité du trek.
De ce que j’ai pu lire sur internet, les sentiers sont pour la plupart ouverts de mars à novembre.
Quelque soit l’option choisi, vous devez d’abord vous rendre à Yoshino. Le gare de Yoshino est celle la plus proche du Mont Yoshino, et c’est de là que part le sentier de marche.
Depuis Tokyo je vous recommande de prendre le train Shinkansen jusqu’à Kyoto. Il y en a un toutes les 10 minutes et le trajet dure environ 3h30.
Pour vous rendre à la gare de Yoshino depuis la gare de Kyoto, prenez le Kintetsu Express Limité et comptez 1h40 environ. Prenez une correspondance à Kashiharajingu-mae. Comptez 1h15 d’Osaka à Kashiharajingu-mae. Sinon comptez 2h55 depuis Nagoya en Kintetsu Express Limité avec une correspondance à Yamato Yagi ou Kashiharajingu-mae.
Information sur les photos et vidéos de cet article : Asus m’a proposé de tester leur dernier téléphone, le Asus ZenFone Max pro. La plupart des photos et vidéos de cette story ont donc été prises avec cet appareil que je trouve vraiment super pour les voyages (qualité au rendez-vous et surtout la durée de vie de la batterie qui est impressionnante)