Visiter, donner ou faire du volontariat en orphelinat : pourquoi ce n’est jamais une bonne idée

Vous souhaitez faire du volontariat à l'étranger et plus particulièrement dans un orphelinat ? Le problème, c’est que l’écrasante majorité des orphelinats dans le monde en général, et dans les pays touristiques en particulier, n’en sont pas vraiment, et qu’en plus de cela, ils fonctionnent grâce au trafic d’enfants.

Je reçois beaucoup de messages de lecteurs qui souhaitent ajouter une dimension humanitaire à leur voyage en faisant, ce qu’on appelle, du volontourisme. Malheureusement certains organismes malhonnêtes n’hésitent pas à profiter de cette tendance pour arnaquer les voyageurs pleins de bonnes volontés qui souhaitent investir temps et argent dans une mission humanitaire. J’ai d’ailleurs publié un article sur l’arnaque de certains centres de protection d’éléphants en Thaïlande.

Suite à cet article, j’ai été contacté par Frank Seidel, membre du réseau Better Volunteering Better Care et fondateur du portail guidisto-volontariat.fr, qui lutte pour décourager le volontariat en orphelinat.

Dans l’email j’y apprends que l’une des arnaques les plus courantes est l’orphelinat factice qui de plus fonctionne grâce au trafic d’enfants…

Il me semble important de mettre en garde les futurs voyageurs contre certains organismes frauduleux, c’est pourquoi j’ai demandé à Frank de partager avec vous son expérience mais surtout donner quelques pistes à ceux qui souhaitent faire du volontariat à l’étranger.

Volontourisme

Lorsque nous nous engageons pour une bonne cause, nous partons normalement du fait que les autres personnes impliquées aient le même sens altruiste. Cette envie de croire aux bonnes intentions des autres nous empêche malheureusement parfois de voir la réalité des choses et la désillusion à l’arrivée peut être autant plus grande.

C’est malheureusement ce qui arrive à de nombreux voyageurs qui croyaient avoir fait une bonne action pour des orphelins dans un pays en voie de développement.

Je tiens à préciser que cet article n’a pas pour but de porter un jugement sur les voyageurs ou de vous faire culpabiliser si vous avez déjà apporté votre soutien à un orphelinat.
Si c’est le cas, je suis convaincu que vous y êtes allés avec l’espoir sincère de contribuer à améliorer les conditions de vie d’enfants en difficulté. Je travaille dans le secteur du volontariat depuis 25 ans et je me suis d’ailleurs moi aussi longtemps fait berner.

J’écris aujourd’hui à ce sujet parce que c’est le manque d’information qui fait que des personnes bien intentionnées alimentent sans le vouloir un trafic nauséabond. La bonne nouvelle est que si vous cherchez à vivre de belles expériences avec des locaux et à aider des enfants en difficulté, il existe des alternatives éthiques. Je tiens à remercier Ryan de m’accorder ici une plateforme où je peux atteindre les internautes voyageurs.

Quel est le problème avec le volontariat en orphelinat ?

Le problème, c’est que l’écrasante majorité des orphelinats dans le monde en général, et dans les pays touristiques en particulier, n’en sont pas vraiment, et qu’en plus de cela, ils fonctionnent grâce au trafic d’enfants.
Ce cas est loin, très loin d’être anecdotique. Si vous voulez vous faire une idée de l’ampleur du problème, retenez que l’on estime que 80 % des enfants vivant dans ces établissements ne sont pas vraiment des orphelins et ont au moins un parent en vie.
Les pensionnaires sont souvent « recrutés » parmi des familles pauvres, à qui l’on promet nourriture, abri et éducation pour leurs plus jeunes membres. Une fois arrivés dans les pseudo-orphelinats, on apprend aux enfants, souvent sous la menace, à jouer la comédie pour attirer l’argent des Occidentaux. Un argent qui, bien entendu, ira régulièrement dans la poche des propriétaires sans que les enfants n’en voient la couleur… Et comme si cela ne suffisait pas, l’identité des enfants est souvent falsifiée, empêchant leurs familles de les retrouver.

Volontariat orphelinat

Et malheureusement, il y a de gros risques pour que vous participiez à ce trafic à votre insu à partir du moment où :

  • vous faites un don à un orphelinat,
  • vous faites une visite dans un orphelinat au cours d’un voyage,
  • vous faites une mission de volontariat en orphelinat,
  • vous achetez de l’artisanat fabriqué par des soi-disant orphelins…

Les pays d’Asie du Sud-Est comme le Cambodge ou le Népal sont très souvent cités à ce sujet, mais l’Afrique et l’Amérique du Sud ne sont malheureusement pas en reste… Il existe des études pour le Ghana et l’Ouganda, pour le Guatemala et Haïti.

Cela fait un moment que des organismes tirent la sonnette d’alarme à ce sujet. Il existe tout un tas d’études, de publications et de témoignages à ce sujet, mais comme on dit qu’une image vaut mille mots, il m’a semblé que cette campagne réussissait particulièrement bien son travail de sensibilisation :

Il serait néanmoins inexact d’affirmer que TOUS les orphelinats suivent forcément ce modèle. Il existe des établissements tenus par des gens respectables et qui ont réellement à cœur le bien-être des enfants. Ce qui est en revanche certain, c’est que ni vous ni moi n’avons les informations et la capacité de jugement suffisante pour pouvoir déterminer avec certitude si c’est le cas ou non.

En Europe, les structures de type orphelinat ont presque toutes disparues, et ce pour une bonne raison : il est aujourd’hui reconnu, notamment par l’ONU, que le placement en orphelinat ne devrait se faire qu’en dernier recours. Même dans le cas d’un établissement honnête, la vie en famille d’accueil ou avec des proches est largement préférable pour le bien-être des enfants.

Pour ne pas risquer de créer plus de problèmes aux enfants qu’ils n’en ont déjà, je recommande donc d’éviter toute association avec des orphelinats.

Volontariat à l'étranger

Où en est-on ?

Heureusement, les choses commencent à bouger. Grâce à l’action d’un nombre croissant d’organismes, ce problème commence à être médiatisé. Il y a seulement quelques semaines, l’un des plus grands organismes de volontariat au monde a annoncé qu’il cessait toute collaboration avec des orphelinats, et l’Australie souhaite faire passer une loi pour apparenter le tourisme en orphelinat à de l’esclavage moderne.

Pour ce qui est des touristes, donateurs ou volontaires, je n’aime pas parler de culpabilité car je crois vraiment que la plupart sont bien intentionnés. Mais comme pour tout, l’argent est le nerf de la guerre, et tant qu’il y aura de la demande, ces établissements auront encore de beaux jours devant eux.

Soutenir les enfants en difficulté de manière responsable, c’est possible

Les premières victimes dans tout ça sont clairement les enfants. Car si la plupart d’entre eux ont des membres de leur famille en vie, c’est la précarité de leur situation qui a fait qu’ils se sont retrouvés pris dans cet étau.

Arrêter d’alimenter ce trafic nauséabond c’est bien, mais repenser son engagement pour les familles en situation difficile, c’est encore mieux. Vous pouvez tout à fait reporter votre élan de solidarité en faveur de garderies, d’écoles, ou de structures qui militent pour des projets à dimension communautaire, c’est-à-dire où les enfants peuvent rester avec des proches ou sont placés dans des familles d’accueil.
Si vous souhaitez en savoir plus sur ce problème, ou si vous souhaitez vous engager de manière utile, voici une liste (non exhaustive) d’interlocuteurs vers qui vous tourner :

  • Better Volunteering Better Care, réseau qui regroupe des acteurs du tourisme, du volontariat et de l’humanitaire qui a récemment lancé une campagne européenne de sensibilisation à ce sujet.
  • Guidisto Volontariat, portail qui répertorie des missions de volontariat en excluant catégoriquement les projets en orphelinat.
  • ReThink Orphanages, réseau australien très actif et notamment à l’origine du projet de loi sur l’esclavage moderne.
  • Lumos, la fondation créée par J.K. Rowling, qui a fait de la lutte contre le tourisme en orphelinat son cheval de bataille.

Vous avez des remarques ou des questions ? Ou vous souhaitez simplement partager une expérience ? Laissez un commentaire !

Pour ceux qui souhaitent creuser le sujet, ce documentaire proposé par une lectrice en parle très bien

Photo de l’article par Tormod Sandtorv