Me voilà dans une allée, ou une rue, appelle là comme tu veux. Sans voitures ni personne autour si ce n’est quelques aboiements provenant de chiens errants.
Ça fait maintenant presque une demi-heure qu’un routier m’a déposé dans le centre de Cholpon ata, au Kirghizistan. Ah ouais j’ai oublié de te dire, j’ai décidé de voyager en stop dans ce pays.
Comme le dit Georges-Michel, C’est le moyen de transport le plus simple. C’est presque une institution au Kirghizistan. Si tu te postes au bord de la route et que tu lèves ton pouce, quasiment toutes les voitures s’arrêteront.
Bref, pour en revenir à nos moutons, Cholpon ata est un petit village situé à 1500 mètres d’altitude au nord du superbe superbe lac d’Issky-Kul.
Vu que tu dois être un mauvais en géographie (t’en fais pas mois aussi), j’vais t’aider :
Je suis planté là, sans arriver à me bouger pour trouver où dormir ce soir. J’étais arrivé ici sans aucun programme, mon hôte à Bishkek m’avait recommandé de m’y arrêter.
Et je me suis retrouvé là, avec pour seule compagnie mon sac à dos, à regarder dans le vide autour de moi..
Après une heure à vagabonder dans les rues, je me suis simplement dit :
« Rien à faire ici, j’vais me casser, je trouverai mieux ailleurs ».
J’ai donc pris mes affaires et me suis mis à marcher jusqu’à l’unique carrefour du village, en espérant trouver une voiture prête à me déposer sur la route principale. De là, je trouverais bien un bus pour m’emmener jusqu’à une plus grande ville.
Je me mets en route et quelques secondes plus tard j’entends le moteur d’une voiture derrière moi, je lève le pouce en me disant que ça me sauvera une bonne demi-heure de marche si la personne me dépose un peu plus loin.
La voiture s’arrête, une femme habillée d’un voile noir sur la tête ouvre la fenêtre côté passager :
– Heu, carrefour ? (ah merde comment on dit carrefour en anglais), heuuu to the next junction ? Bus ?
Et là elle me répond avec un parfait anglais
– You want me to drop you to the bus station ? (traduction « tu souhaites que je te dépose à la station de bus ? »)
J’étais assez surpris, depuis le début de mon voyage je n’ai rencontré personne qui parlait anglais ici. Il y a officiellement deux langues au Kirghizistan, le russe et le kirghiz.
Dans la voiture, le sourire aux lèvres, elle me demande d’où je viens et ce que je viens faire au Kirghizistan. Je lui explique que je suis ici pour découvrir le pays, que je voyage seul et que je n’ai rien planifié. D’habitude j’évite de dire que je voyage seul, simple règle de sécurité, mais cette femme dégageait une telle sympathie que je n’avais pas besoin de cacher ce détail.
Je lui demande comment cela se fait qu’elle parle si bien l’anglais, elle m’explique qu’elle a vécu pendant quelques années avec son mari aux États-Unis. Aujourd’hui ils sont de retour au pays et tiennent une petite guesthouse à quelques minutes à pied du lac Issyk-Kul.
La discussion s’enchaine pendant plus de 10 minutes et elle me parle avec passion de son pays, du lac et des mythes qui existent autour. Je l’écoute religieusement, c’est passionnant !
Arrivé à la station de bus elle me dit :
Tu as un peu de temps ? Tu peux venir boire le thé à la maison et rencontrer mon mari et ma fille.
À cet instant précis, Cholpon Ata passa de « ville ennuyeuse » à un endroit où je passerais sans doute quelques-uns de mes plus beaux moments au Kirghizistan.
En fait c’est un peu ça la définition du voyage. J’adore les hauts, mais les bas sont eux aussi importants. J’adore être déçu quand de superbes surprises m’attendent au bout. Et j’adore les gens fascinants que je rencontre au fil de mes aventures.
Je n’hésite pas une seconde et accepte l’invitation. Je sais d’expérience que le pouvoir de dire oui peut changer beaucoup de chose.
Bon, laisse-moi te présenter Cholpon Ata.
Alors là t’as la rue principale :
Et enfin, voilà la route que j’empruntais au moment où j’ai été pris en stop…
J’espère que tu comprends pourquoi, après 30 minutes dans ce village très tranquille, j’étais prêt à mettre les voiles.
Renje et son mari Bolot possèdent le genre de guesthouse que l’on n’a jamais envie de quitter. C’est simple, les chambres sont basiques et confortables, mais les nombreuses conversations avec Renje transforment ce lieu en un endroit unique.
Elle parle parfaitement anglais, elle adore parler de la culture de son pays, de la vie et du monde en général. Elle est très spontanée, son sourire et son rire sont incroyablement contagieux, elle adore cuisiner de délicieux repas locaux à ses invités et fait tout pour que les voyageurs se rappellent longtemps de leur séjour à Cholpon Ata.
Je n’avais pas prévu de rester longtemps mais Renje me propose de rester quelques nuits gratuitement. La guesthouse est normalement fermée en cette période de l’année ! Du coup je dis un grand oui et décide de prolonger mon séjour dans ce village.
Sans mentir, je pense que j’ai passé la moitié de mon séjour ici à parler avec Renje, à en apprendre plus son pays, à l’écouter me parler de sa vie en Amérique avec son mari, à échanger des idées sur la politique, la religion, le voyage et encore plein d’autres choses. En trois jours, j’ai plus parlé avec elle qu’avec n’importe quelle autre personne lors de mon voyage au Kirghizistan. Si j’avais eu le temps, j’aurais pu prolonger ces conversations encore et encore.
Voilà le plat qu’elle nous a cuisiné le soir même :
Lors de ma première journée dans le village, j’ai dit à Renje que je souhaite aller voir le lac Issyk-Kul. Elle m’accompagne jusqu’à un petit chemin et me donne toutes les instructions pour m’y rendre. J’ai dû m’empêcher de rire tant elle enchaînait les directions. Elle était vraiment contente que je m’intéresse à ce lac. Après avoir écouté toutes ses instructions pour y aller et en avoir oublié la grande majorité, je me suis mis en route en essayant de me concentrer.
Si je me souviens bien, ça donnait un truc du genre :
«Marche tout droit entre les arbres jusqu’à arriver aux deux maisons neuves.
Après avoir passé les deux maisons suivantes, tourne légèrement à droite et continue sur le petit chemin terreux.
Traverse un petit ruisseau, monte les marches, tourne à gauche, là il y aura un cheval endormi, réveille- le en lui chatouillant l’oreille droite avec une tulipe des montages que tu récupéreras en tuant le troll qui la protège.
Pour tuer le troll, il te faudra récupérer l’anneau unique, aussi appelé « mon précieux », que Golum garde secrètement dans les montagnes du Mordor.
Après ta quête tu devras détruire l’anneau sinon Sauron va revenir pour péter la gueule à tout le monde… »
Heu ouais je sais, c’est le scénario du « Seigneur des anneaux »… Mais quand Renje me donnait les directions, ça ressemblait à ça pour moi.
En tout cas je sais pas trop comment, mais après 30 minutes de marche je trouve la plage et le lac. J’assiste alors à un spectacle absolument grandiose. Entourées par les pics enneigés des montagnes aux environs, les eaux bleues et cristallines du lac dansaient sous mes yeux.
Après une soirée faite de longues conversations avec Renje, de pilaf fait maison, de cornichons et de compotes, je m’endors comme un loir dans le paisible village de Cholpon Ata…
En me réveillant le matin suivant, j’avais hâte de me lever et de savoir de quoi serait faite cette nouvelle journée.
Je me retrouve accompagné de Bolot et sa fille dans un super centre cultuel appelé Ruh Ordo qui n’est référencé nulle part ! Cela m’a permis d’en apprendre plus sur le pays, sur ses héros et leur histoire.
D’ailleurs j’en apprends plus sur l’une des figures emblématiques du Kirghizistan, Tchinguiz Aïtmatov, un écrivain qui de par sa plume à changé beaucoup de choses dans ce pays. Par la suite, beaucoup de Kirghiz m’ont recommandé la lecture de ses livres. Il décrit avec beauté son amour du pays, parle avec passion de sa nature, de ses gens… Bref, si tu voyages dans le coin, je te recommande la lecture d’un de ses livres.
En retournant à Cholpon Ata, je marche à travers les champs et les villages de la région, découvrant plein d’espaces vides, idéals pour méditer et contempler. L’occasion pour moi de faire le point sur l’avancée de mon voyage, les rencontres qui m’ont marqué et mes projets futurs…
Le reste de l’après-midi, je le consacre à dire bonjour et à sourire aux passants, recevant quasiment toujours un « bonjour » ou un sourire en retour, que ce soit de la part des hommes à cheval, des femmes guettant à leurs fenêtres, des hommes âgés traversant la rue avec une canne ou des enfants jouant avec un âne.
Je suis ensuite allé dîner dans l’unique restaurant de la ville et fut accueilli par deux femmes adorables. Elles me servirent une soupe de poulet et une salade délicieuses. À ce moment-là, pendant que je mange mon repas dans cette petite pièce vide décorée à la mode soviet tout en parlant de temps en temps aux deux femmes, je n’arrive pas à croire combien le village de Cholpon Ata était remonté dans mon estime si rapidement. Si je n’avais pas manqué de temps, je suis sûr que je serais resté ici bien plus longtemps.
Mais le matin suivant, après un petit-déjeuner copieux composé d’œufs frais, de pancakes faits maison et de thé, le temps arriva pour moi de plier bagage.
Je monte dans ma chambre et prépare mon sac à dos. Renje m’avait proposé de rester gratuitement dans la guesthouse mais je décide de lui payer les 3 nuits passées ici. Ces quelques euros ne sont rien comparé à ce que Renje et Bolot ont partagé avec moi.
J’ai une ultime conversation avec Renje, pleine d’histoires, de rires et de découvertes sur la culture locale.
Et, le plus simplement possible, j’ai lui dit au revoir à elle et son mari…
Quelques minutes plus tard, je suis là, à l’endroit même où le chauffeur m’avait déposé quelques jours plus tôt, à l’endroit même où j’avais fixé le vide en me demandant pourquoi j’étais venu dans cet endroit horrible, à l’endroit même où j’avais pris la décision de partir aussitôt sans laisser une chance au village.
J’ai le sentiment que beaucoup de voyageurs passent à côté de villes intéressantes à cause de leur première impression. Si j’avais quitté Cholpon Ata si rapidement, je n’aurais pas découvert ce qui se cache derrière ces rues désertes, ces maisons en bois, ces blocs en béton qui servent d’appartements, ces quelques boutiques, ce bazar à l’abandon, ces ânes qui se cachent derrière les arbres et cet homme qui traverse le village à cheval.
Comme dans toute autre ville ou village dans le monde, oublier notre première impression permet de vivre des expériences de voyage inoubliables.
Et ici, à Cholpon Ata, ce village au milieu de nulle part au cœur d’un pays lui-même au milieu de nulle part, se sont déroulés des moments que je ne suis pas prêt d’oublier.
N’oublie pas voyageur, « fais confiance à l’inconnu » et souviens toi que l’on ne sait jamais ce qui se cache au coin de la rue…
Adresse de la guesthouse :
Cholpon-Ata cyti
Arra Ala-too
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