Le guide de l'auto-stoppeur : ce que vous devez savoir pour faire du stop

Pouce levé en direction du sud, je parcours en ce moment l’Argentine. Tantôt à l’arrière d’un pick-up, assis entre des poules et un tas de foin, tantôt avec un groupe de jeune, poste radio à fond.
Au-delà de l’aspect économique, voyager en auto-stop permet de faire de fabuleuses rencontres et vivre des choses totalement inattendues.
Je vous parlerai de mon voyage actuel dans un prochain article, en attendant j’ai souhaité aider ceux qui souhaitent se lancer dans l’autostop avec ce mini-guide de l’auto-stoppeur et pousser les plus septiques d’entre vous à essayer.

Au départ je pensais rédiger ce guide sur l’auto-stop moi-même mais j’ai préféré confier cela à quelqu’un de bien plus expérimenté.
C’est même, je dirais, l’un des maîtres en la matière ! J’ai nommé mon ami Antoine du blog Detourdumonde.

Il y a quelques décennies, le pouce levé n’avait rien à voir avec le Like d’une vidéo de chatons mignons ou du passage au célibat tant attendu de la personne que vous désirez depuis des mois, encore moins si vous trouviez ledit pouce sur les bords d’une route. Dans le prolongement du pouce, vous pouviez trouver un visage, généralement juvénile, rougi par le temps passé au soleil, à regarder passer les voitures, tantôt avec un sourire un peu niais tantôt avec la mine déconfite, selon la stratégie adoptée pour quitter le trou perdu où il s’est fait déposer.

Ça, c’était avant, me direz-vous. C’est bien connu, il n’y a plus d’auto-stoppeur aujourd’hui, parce que selon les infos, vous comprenez, faut se méfier de tout le monde.

Eh bien non, lecteurs, sachez que l’ère du stop n’est pas encore révolue, nous sommes encore nombreux à arpenter les routes et cet article devrait vous en convaincre, voire de vous inciter à embrasser cette fabuleuse manière de voyager.

Pourquoi faire de l’autostop ?

Je vous vois venir, vous allez me dire qu’avec la multitude de transports et la facilité de se déplacer dont on dispose aujourd’hui, quel est l’intérêt d’aller poireauter au péage de Trifouillis-sur-Orge par -15°C ?

L’expérience, mon enfant, l’expérience ! (Et parce qu’au lieu du péage de Trifouillis-sur-Orge, si vous étiez descendu à l’aire d’autoroute de Savigny-en-Meule, vous auriez pu bénéficier du café de la station et chercher des bons samaritains entre le rayon sandwichs triangulaires au goût de sable et les BD sur un corps de métier qui ne se vendent pas.)

Oui, bien sûr qu’on peut aller vite, voyager avec sérénité dans l’espace Zen d’un train en retard ou sous le plaid d’un millimètre d’épaisseur offert dans les avions, mais l’autostop est généralement un moyen de transport qui rapporte plus qu’il ne coûte (à moins que vous ne travailliez pour une compagnie de transports, auquel cas, je doute que vous soyez du genre à auto-stoppeur).

D’abord, il y a l’aléatoire, le piment de la rencontre fortuite qui fait de l’autostop un speed dating mobile. Bon, la beauté qui me fera le coup de la panne ne s’est pas encore manifestée mais je garde espoir. Souvent, les liens se tissent, de grandes amitiés aux charmes de la simple conversation avec l’inconnu de passage, de l’aveu de ce qu’on a sur le cœur parce qu’on n’est pas amené à se revoir, l’auto-stoppeur peut avoir le rôle du confident, de conseil extérieur et de sociologue. Le stop est un excellent moyen de savoir de quoi le monde est fait. Il n’y a pas qu’un type de personne qui vous prendra, du cadre au gamin qui pique la voiture de son père pour frimer devant les copains, il y a un éventail grand ouvert.

C’est aussi le plaisir de finir dans un endroit inattendu quand, au hasard des conversations, on vous indique tel point de vue connu seulement des locaux ou qu’on vous invite dans la famille pour passer la nuit parce que vous serez mieux à faire du stop après une bonne nuit de sommeil et le ventre plein.

Mais j’oublie la raison première, si l’on fait du stop, c’est tout simplement pour se déplacer, que ce soit pour les cinq  derniers kilomètres sous la pluie ou pour traverser des continents, ça reste un moyen plus ou moins rapide et fiable d’arriver à destination selon votre stratégie et selon votre allure, parce que, oui, dans le monde de l’autostop comme dans la vie de tous les jours, l’habit fait le moine, en tout cas, il est plus probable que le mec en toge soit du genre à fréquenter les monastères que les gratte-ciel. Intéressons-nous d’ailleurs au visage qui brûle encore sous le soleil de notre introduction, en répondant à cette première question judicieuse :

Qui peut faire du stop ?

Je l’ai évoqué, l’auto-stoppeur est jeune. La pratique veut que le jeunot ait plus de chances d’être pris en stop que le vieillard. La raison est simple, l’image du jeune étudiant sans le sou qui doit se débrouiller jusqu’au travail (qui lui permettra de subir comme tout le monde les retards des transports en commun) est plus séduisante que celle de la personne âgée qui, depuis le temps, n’a pas trouvé les moyens de financer ses déplacements. Encore que, pas plus tard que l’année dernière, un petit vieux de 80 ans a décidé de lever le pouce pour se fader la route de Leicester en Afrique du sud (https://www.dailymail.co.uk/news/article-2235772/Grandfather-80-completes-10-000-mile-hitchhike-lowlands-Leicester-Tabletop-Mountain-spread-wifes-ashes-South-Africa.html), comme quoi, hommes, femmes, jeunes, vieux, noirs, blancs, jaunes, handicapés, groupes, couples, enfants, couples avec enfants, tout le monde peut faire du stop.

Certains profils auront plus de facilités que d’autres, certes, mais tout dépend de votre approche, de votre manière de vous faire accepter et d’inspirer la confiance ou celles de résister à l’hystérie des heures à regarder passer des gens qui n’ont que faire de votre existence. Si vous vous retrouvez dans cette situation, c’est généralement parce que vous n’avez pas optimisé votre itinéraire, parce que les gens du coin sont vraiment de sales types ou que vous n’inspirez vraiment pas confiance. Ce qui me conduit tout naturellement, et avec un sens de la transition phénoménal, à la question suivante.

Que faut-il pour faire de l’auto-stop ?

Le prérequis essentiel : vous-même

Pas besoin de sac à dos (Pardon, Ryan.), de carte, de pancarte, de talons, de pantalons (comme nous l’auront prouvé Nans et Mouts de Nus et culottés), juste vous, rien que vous. Vous pouvez très bien vous pointer sur le bord d’une route et faire signe aux conducteurs, comme ça, sur un coup de tête, mû par l’envie d’aller à la découverte du monde ou par la flemme de marcher.

Après, certains éléments peuvent ajouter charme et efficacité à l’expérience.

Un capital sympathie, à mon sens, l’élément le plus important après vous (oui, vous) mais ce n’est pas indispensable quand je vois certaines têtes de déterrés parmi les collègues et quand j’entends des réflexions du genre

« Pfiou, je suis tombé sur un vieux qui m’a raconté sa vie, c’était relou. »

A ces derniers qui se permettent ce genre de commentaires, et aux pires, ceux qui l’expriment devant le conducteur, je tiens à rappeler que l’Âge d’or de l’autostop est derrière nous, que l’activité, pour beaucoup, semble moribonde, je vous prierai de respecter la personne qui a eu la gentillesse de s’arrêter pour sortir vos miches du trou perdu où vous étiez tombés. Ne serait-ce que par solidarité envers les autres autostoppeurs pour qui la bonne âme ne s’arrêtera plus à cause d’une mauvaise expérience. Bien sûr, respectez cette personne dans une certaines mesures, si la bonne âme passe ses week-end à taguer des croix gammées sur les mosquées, une certaine réticence sera plus que bienvenue.

En seconde qualité, il vous faudra de la patience. Et encore. Bien sûr qu’il arrive de devoir attendre dans des conditions pas toujours faciles mais ma patience a plus souvent été éprouvée par les retards des trains que ceux des voitures et la SNCF n’est pas réputée pour nous installer dans des fauteuils de velours quand leurs TGV n’arrivent pas. De toute façon, si vous savez vous placer, vous n’aurez jamais à attendre bien longtemps.

En fait, ces deux précédentes qualités rejoignent celle, primordiale, et particulièrement appréciée des employeurs qui liront votre CV, la sacrosainte capacité d’adaptation. Sachez mettre de l’eau dans votre vin quand vous n’êtes pas d’accord avec votre conducteur, sachez trouver l’espace où ils pourront s’arrêter sans avoir à jouer les Starsky et Hutch, sachez vous mettre en avant sans trop vous imposer pour convaincre votre bienfaiteur éventuel que, oui, vous êtes dignes de monter dans son véhicule malgré l’odeur de chaussettes trempées qui émane de votre sac à dos.

Ensuite, il y a les outils physiques et digitaux de l’autostop :

Hitchwiki

www.hitchwiki.org, le wiki de l’autostop par excellence qui vous conseillera les meilleurs spots pour partir dans des conditions optimales. Il a l’avantage d’être clair et de vous faire réaliser que vous n’êtes pas seuls à avoir pris la route le pouce levé ou, au contraire, que vous êtes vraiment livrés à vous-même auquel cas, bravo, vous êtes un explorateur, la communauté sera ravie de lire votre avis sur la manière de quitter le trou où vous vous êtes paumés.

Google maps

Google Maps, le principe de l’autostop avec le GPS est simple : notez les axes entre vous et votre destination, les points majeurs où les gens seront plus à même de vous avancer et indiquez, avec un marqueur, les plus stratégiques sur une pancarte, papier, carton, quoi que ce soit de lisible à une vitesse raisonnable. Pour certains trajets, le pouce est préférable à la pancarte mais c’est quand même souvent le contraire.

Avec ce petit set, vous avez le minimum pour faire du stop dans de bonnes conditions.

Est-ce dangereux ?

La question classique des dangers de l’autostop est symptomatique de notre société de la peur. L’autostop n’est pas plus dangereux que de marcher dans la rue, c’est même l’inverse. Pourtant, il y a plus de piétons que d’autostoppeurs, mais ça, c’est en attendant la commercialisation des Portal Guns qui éradiquera les deux espèces ou, l’autre menace, plus proche, que tous les services de livraison à domicile rencontrent un succès tel que plus personne ne ressente le besoin de quitter son logis, changeant les villes et les routes en dortoirs que seuls arpenteraient des camions de livraison.

C’est normal de se méfier, de ne pas monter dans la voiture de quelqu’un dont la tête ne vous revient pas. N’hésitez pas à faire appel à votre capacité d’adaptation pour improviser l’excuse idéale de type

« Je suis avec 56 de mes potes rugbymen, ils peuvent venir aussi ? ».

Vous pouvez aussi utiliser la technologie à votre avantage en envoyant à un proche le numéro de plaque du véhicule dans lequel vous montez et le rassurant une fois que vous êtes à bon port, en indiquant vos étapes au fur et à mesure sur les réseaux sociaux qui vous en voudront à mort d’arpenter les routes alors qu’ils sont bloqués au bureau. Bref, dites où vous êtes et avec qui, avec force détails. Si la situation se complique, n’hésitez pas à informer la menace potentielle de tous les moyens que vous avez mis en œuvre pour que rien de mal ne vous arrive. Cela dit, le conseil que je prodigue est un conseil que je ne suis pas tant les expériences d’autostop sont positives. Mon ratio de mauvaises rencontres est inférieur à 1/1000, j’ai rencontré plus de sales types hors d’un véhicule étranger.

Que vous soyez de genre féminin augmente les risques mais les quelques conseils ci-dessus devraient les contrecarrer. Je commence à connaître un bon paquet d’autostoppeuses pas prêtes d’arrêter, pourquoi ne commenceriez-vous pas ?

Comment commencer à voyager en stop ?

Des petites distances pour vous familiariser avec la pratique, des lieux que vous connaissez pour voir comment vous le sentez. Ensuite, agrandissez votre champ d’action, commencez à sortir de votre zone de confort, à étendre jusqu’à ce vous vous sentiez à l’aise à parler aux inconnus et accepter leurs bonbons en oubliant les années d’éducation de méfiance pour une expérience de vie riche en rencontres  et aventures de toutes sortes.

Allez-y, battez vos ailes petits oisillons, repeuplez nos bas-côtés de brandisseurs de pouces et de pancartes prêts à aller d’histoires en histoires jusqu’à destination !

Merci à Antoine pour son article, je le complèterai très bientôt avec d’autres éléments !